L'après-midi venait de commencer, on était à l'heure la plus chaude de la journée et une brise légère parcourait les étendues d'herbe qui s'étendaient sur des hectares et des hectares. Parmi elles, des animaux étranges broutaient ou se reposaient au soleil et seule, marchant dans un chemin d'herbe écrasée par les allées et venues des visiteurs, Eria allait sans but précis. La matînée avait été dure et longue. Elle s'était levée aux aurores, était partie de chez elle pour se rendre à son travail. Et quel travail ! Les clients se massaient devant les portes du café "l'Oeil du Chat" et toute une bande de pervers lui proposait d'annuler ses fiançailles avec Chris, cherchant à l'emmener dans un coin ou la touchant au gré de leurs envies. Rien que d'y penser, elle avait envie de pleurer et la seule chose qui l'en empêchait était le regard que portaient toutes ces créatures autour d'elle. Bien qu'ils ne puissent pas comprendre ce que c'était vraiment de pleurer, leur présence la gênait, comme celle d'un humain ou de tout autre être doté d'une intelligence supérieure, mais en même temps, ils lui procuraient la sensation d'être entourée, presque soutenue. Elle ne savait pas ce qu'elle ferait si elle devait tomber sur quelqu'un dans un tel endroit.
Elle était venue, car c'était le seul lieu où elle n'avait pas à être confrontée aux autres. Sa vie ressemblait plus à un champ de bataille qu'à un paradis sur terre. Elle avait l'impression d'être complètement seule, bien que tout le temps en compagnie de quelqu'un. Bref, pour aller plus vite, elle était totalement déprimée ce jour-là, et ne souhaitait qu'une chose : rester à jamais loin de la ville, juste à observer ces animaux bizarres en toute tranquillité. Elle s'installa au pied du seul arbre qui n'était pas déjà envahi par les licornes occupant ce champ. Fermant les yeux, elle se délectait de la fraîcheur que lui procurait l'ombre du feuillage. Son rêve du moment était en train de se réaliser, mais quel ne fut son désappointement en entendant des pas près d'elle. Elle ouvrit les yeux, d'où quelques larmes de solitude et de désespoir coulaient encore, et les essuyant à la va-vite, se leva d'un bond :
"Qui est là ?"
Sa voix dérailla un peu dans les aigus et elle avait honte d'être découverte dans cet état-là, elle qui faisait tout son possible pour paraître heureuse devant les autres.